samedi 25 juin 2011

Misère de la sociologie universitaire

Dans le numéro 11 de : Savoir(s), Le magazine d’Information de l’Université de Strasbourg, on peut lire, in fine, un articulet signé du sociologue multicarte Philippe Breton : Strasbourg, berceau des événements de mai 68 ? Le titre, déjà, mérite qu’on s’y arrête. D’abord, pourquoi écrire : « événements de mai 68 » et les qualifier de « tsunami  politique et social », comme un vulgaire journaliste, lorsqu’on est sociologue et qu’on écrit dans une publication universitaire ? Ensuite, pourquoi employer la forme interrogative ? Il est patent que mai 68 est né à Strasbourg en octobre 66 avec : Le Retour de la colonne Durutti [sic], qui annonçait (et dénonçait) — le scandale de La Misère en milieu étudiant qui devait éclater lors de la rentrée solennelle de l'université.

Ce qui commence mal a peu de chance de bien finir. La preuve. Il est inexact d’affirmer que le « petit groupe d’étudiants » par qui le scandale est arrivé, — dans les fourgons de la colonne anarchiste réactivée pour l’occasion, — se disaient « membres de l’Internationale situationniste ». Seuls Frey, Théo et Edith, Garnault et Holl faisaient parti de l’I.S. en 66 dont ils seront exclus début 67 (à l’exception d’Edith Frey qui démissionnera)  — une mention spéciale pour Khayati membre lui aussi de l'I.S. et « voix de son maître » Debord qu'il informait précisément du déroulement des opérations — ; les autres n’étaient que des sympathisants. On ne chipotera pas sur l’attribution du célèbre : NE TRAVAILLEZ JAMAIS à Debord, même si un autre candidat (sérieux) revendique pour lui l’inscription puisque, aussi bien, il lui reconnaît en même temps le droit d’écrire l’histoire à sa manière. Mais ce n’est qu’un détail. Pas comme le fait de prétendre que la critique de la « société du spectacle » serait « très inspirée » par « les travaux du sociologue Henry [sic] Lefébvre » depuis qu’il est apparu qu’elle doit plus — voire tout — à Günther Anders. Et : il est tout simplement faux d’affirmer que les situationnistes refusaient « la médiation » et « la représentation ». Ils refusaient bien évidemment les représentants abusifs et les fausses médiations imposées par le pouvoir. Ensuite : il est pour le moins aventuré — et aventureux — d’écrire que la critique situationniste préfigurait la « critique de la société de communication » : l’I.S. a dénoncé avec force et constance l’aliénation de la communication qui s’est généralisée et approfondie dans le spectacle ; ce qui est autre chose. Il s’agissait pour les situationnistes d’en finir avec l’aliénation sous toutes ses formes ; et la « communication » dont on nous rebat les oreilles n’est que l’instrumentation de ce spectacle. Il est assez stupide d’affirmer péremptoirement que l’I.S. aurait politisé « l’avant-garde artistique » — ou quoi que ce soit d’autre — « à l’extrême » — et même au-delà — pendant qu’on y est — puisque les situationnistes voulaient en finir avec la politique elle-même. Et il est particulièrement bête d’accuser les situationnistes d’avoir contribué à « réactiver une certaine forme de violence radicale » alors qu’ils n’ont fait qu’opposer à la violence de la politique une légitime violence révolutionnaire — que l’on peut proprement qualifier de résistance. C’est précisément l’échec de cette résistance qui permet au sociologue désinvolte de gloser impunément à côté d’un sujet qu’il n’a de toute évidence pas les moyens de posséder. Que ce soit dans une revue universitaire — dont il est par ailleurs le Directeur éditorial et le Rédacteur en chef — qui s’intitule : Savoir(s) donne la mesure de ce que ce savoir est devenu dans cette « Grande Université » dont Strasbourg se montre la digne réprésentante.

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