mercredi 27 juillet 2011

L’Orpailleur : Fragments – Épisode 3


Je cherche l’or du temps.
(Épitaphe sur la tombe d’André Breton)

Les chercheurs d’or remuent, en creusant, beaucoup de terre, et trouvent peu. (1)
(Héraclite)

1. La citation d’Héraclite est donnée dans la traduction de Marcel Conche à qui l’on doit une édition commentée des Fragments (PUF, 1996) qu’on ne saurait trop louer et recommander : l’Obscur y devient lumineux.


1.

Ce matin, j’ai eu l’intuition du bonheur. L’espace d’un instant. Une certaine qualité de lumière et l’écho assourdi d’un rêve insistant : « Il existe un sombre continent... » Oui, bien sûr. Puis tout a continué comme avant. Les mêmes rues, inlassablement parcourues, comme une boîte à secret qu’il faudrait manipuler longuement pour en pénétrer le mécanisme ; les mêmes bistrots où s’accomplit un rituel immuable : palabre et libations, lente alchimie de l’être. Pour quel improbable résultat ? Mais, qui se soucie encore d’un résultat ? L’important, c’est l’opération, la vie même, qui ne repose sur rien.


2.

Dans le train qui roulait vers Amsterdam, le temps s’était immobilisé. Il était assis là pour l’éternité, et il regardait la nuit glisser comme un souffle sur la vitre du compartiment vide (1)*. Le sombre miroir, que transperçaient par endroits des éclats de lumière aussitôt résorbés, ne lui renvoyait que l’image incertaine de son visage fermé où les lèvres cependant esquissaient un sourire.

Puis l’éternité pris fin. La nuit cédait la place à un jour pâle.
Sur le quai de la gare de Bruxelles, des voyageurs provisoires se croisaient hâtivement, emportés par d’autres trains pareils à celui qui le rapprochait d’Amsterdam, au bout de cet horizon gris qui égalisait toutes choses. 

  
 
* Les Notes sont rassemblées synthétiquement dans la seconde partie de l’ouvrage ; elles peuvent donc se lire comme un tout ou bien séparément, selon que le lecteur en aura choisi.

1. Voilà. Les années ont passé. Comme un rêve. On se réveille ; on regarde autour de soi. Non, rien n’a changé — ou si peu de chose. Le temps a passé ; comme un souffle qui n’a ridé que la surface de la vie. Au fond rien n’a bougé. Il y a toujours cette tension inquiète qui se cherche un chemin. Mais le temps se gâte aussi ; et les rides se creusent. Longtemps il était à nos côtés qui nous attendait. Le voilà qui a pris le large, rompu les amarres. Où avions-nous la tête ? On le regarde qui s’éloigne. On sait qu’il va manquer, qu’il faudra apprendre à compter, qu’il est déjà tard. Qu’y faire

(À suivre)


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