samedi 30 juillet 2011

L’Orpailleur : Fragments – Épisode 6

8.

Il y a des gens pour qui la vie est une évidence. Ils vivent comme ils respirent, sans avoir besoin d’y penser, automatiquement. Gilles avait des problèmes de respiration — inspiration, expiration : la vie tient à si peu de chose — ; alors, il marchait, pour se donner de l’air, voir où allait sa vie(4). Et elle tournait en rond, semblait-il. Mais cette circularité n’était qu’apparente ; c’est plutôt d’une spirale dont il faudrait parler, qui vue dans l’axe apparaît comme un cercle : question de perspective.

Très tôt, Gilles avait pris goût à ces déambulations solitaires. C’était pour lui une sorte de thérapeutique qui alliait, en proportions variables, la marche, le soliloque, et une alcoolisation qui prétendait à la méthode. De sa capacité à harmoniser ces trois composants in situ, dépendait, en grande partie, le degré de réussite de ce genre d’expédition — encore convient-il d’entendre le terme de réussite non pas en opposition à celui d’échec, mais dans une richesse de contenu qui comprend aussi bien le meilleur que le pire.

C’est ainsi qu’il avait rencontré D., et quelques autres aussi. Ils s’étaient reconnus à cette manie singulière de parcourir les rues à grande journée. Ils se retrouvaient dans les mêmes bars, à boire et à parler ; ils étaient là chez eux. Gilles disait : « Il finira bien par en sortir quelque chose. » ; et c’était là tout son viatique.


9.

Le regard rentré de la mélancolie profonde ne contemple jamais qu’un désert ; je le sais bien. J’ai connu l’exil de ces dunes immobiles où rien ne vient. J’ai cheminé longtemps, pétrifié de silence ; jusqu’aux confins. Au delà, c’est une terre inconnue qui garde ses secrets. Ce n’était pas ma route encore (2). J’ai connu l’ivresse des retours, les matins exaltés de journées fulgurantes. Ce n’était qu’un rêve de sable que le vent disperse : « La vie passe, mystérieuse caravane. »


4. J’ai toujours considéré la vie telle qu’elle m’était donnée, négativement : c’est ma nature. Je ne trouvais rien à quoi l’on pût adhérer sans restriction. Il n’y avait rien à faire; Je ne voyais de choix qu’entre différentes impostures. Mais la vie est mouvement ; et le malheur est dynamique, semble-t-il, pour ceux qu’il n’écrase pas.

2. Je regarde en arrière, et je ne vois qu’une longue inquiétude qui n’a pas trouvé à se fixer ; qui m’habite encore, je le sais, comme aux premiers jours ; qui n’a fait que changer de visage. Ce qui est au début, est encore à la fin. Vicissitude et permanence.

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