dimanche 31 juillet 2011

L’Orpailleur : Fragments – Épisode 7

10.

Ce fut d’abord un frémissement presque imperceptible. Une dentelle de lumière qui dansait sur l’horizon ; une ville lumineuse qui glissait vers l’oubli comme un galion chargé d’or dans un cimetière marin. Puis, une longue plainte d’animal blessé qui résonnait interminablement dans un dédale de ruelles silencieuses.

Durant plusieurs jours, il lui était resté de ce rêve une impression de malaise que mitigeaient les prémices d’une euphorie croissante, d’autant plus grisante qu’elle était sans objet, et pouvait de ce fait se rapporter indifféremment à chacun : Gilles sut que sa réclusion prenait fin. Un matin de février inondé de soleil, il quittait sa retraite.

Il devait garder de cet instant le souvenir d’un bonheur sans mélange, comme d’un éblouissement qui laisse le regard momentanément suspendu dans l’indistinction, avant que tout ne recommence à se préciser.


11.

Cela faisait presque un an que Gilles s’était éloigné ; et il n’avait revu personne de la petite bande depuis. Quelques échos lui étaient bien revenus, comme de la désintégration d’une constellation lointaine, inutiles, qui ne renvoyaient plus à rien.

De D., il n’avait eu aucune nouvelle ; et à vrai dire, il n’avait rien fait pour chercher à en avoir. Il avait bien écrit une lettre confuse ; mais il ne l’avait pas envoyée : à quoi bon.

À présent il y avait ce silence entre eux comme une épée qu’il fallait briser, d’une manière ou d’une autre, il le savait bien.

De la gare, il avait expédié un télégramme : AMSTERDAM — RAAMSTEEG — GILLES. Il aurait pu passer à l’ancienne adresse, s’assurer de sa présence, lui parler. Il aurait dit : « Que nous est-il arrivé ? » D. l’aurait regardé sans rien dire. Il serait resté là, embarrassé. Renvoyé à lui-même, il serait reparti. Aussi s’était-il borné à inscrire la possibilité d’une rencontre sur un terrain qu’il avait choisi, mais dont l’occurrence ne dépendrait pas de lui.

(À suivre)

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