vendredi 12 août 2011

Entretiens avec le Professeur X (Exercice de style) – Épisode 7

6.


La veille je lui avais exposé les grandes lignes de cette ultime journée : milieu d'après-midi, tournée des bars ; début de soirée : restauration ; re-bars ; puis, pour finir en beauté : corrida en chambre. Elle avait tout approuvé.

Je vins la chercher à son hôtel. Elle descendit sans attendre. Elle portait une petite jupe froufroutante qui s'arrêtait juste au-dessus du genou et un chemisier de petite fille sage, des escarpins à talons plats, et un léger maquillage qui ne voulait pas tricher avec l'âge.

Elle m'embrassa avec vivacité. Nous partîmes bras-dessus bras-dessous vers notre première escale. J'avais sélectionné une série de bars plutôt minables et populos — les derniers vestiges restés debout d'une époque révolu où l'on parlait encore de la « classe ouvrière » ; à présent, il n’est plus question de « classe » et de toute façon il n'y a plus d'« ouvriers » — à ce qu’il paraît — ; quand à la « lutte » qui était généralement associée à cette « classe dangereuse », il semblait qu'elle ait disparu avec elle, au profit d'une collaboration généralisée. Heureuse époque !

Nous débutâmes la tournée par le St Gothard, un rade prolo et poivrot comme il n'en existe plus guère que dans des faubourgs improbables, au milieu de nulle part — en Pologne, par exemple. La patronne connaissait sa clientèle sur le bout des doigts. Elle savait au ballon près quelle était la contenance de chacun ; parce qu'ici on carburait au gros rouge, de préférence à la bière, avec café schnaps le matin pour certains ; mais la majorité restait fidèle, quelle que soit l'heure, au 12° 5 — inutile de parler de « marque », c'était vraiment le carburant de base.
Je commandai de la bière, malgré tout, comme une minorité d'ailleurs tout à fait intégrée, qui fréquentait cette marge menacée.
(Peu après notre visite, la taulière jetait l'éponge et fermait boutique. L'endroit devint quelconque.)
Evidemment, il n'était pas question ici de fricotages contraire aux bonnes mœurs : c'était un établissement respectable ; pour faire « ça », on allait ailleurs.

Quelques bières plus tard, nous atterrîmes au Bon Berger, qu'il convenait plutôt de visiter à l’aube. Ce bistrot constituait le premier rendez-vous des buveurs du petit matin. Il ouvrait à 4 heures ; on y côtoyait diverses variétés d'alcooliques, de celui, très digne, tiré a quatre épingles qui venait faire son tiercé en descendant facile son litre de blanc, aux épaves sans nom, bredouillantes ; titubant si dangereusement qu'on finissait par refuser de les servir — le tout sans qu'il y ait jamais aucun incident notable.
À cette heure, le bistrot était à peu près vide et sinistre. Nous ne fîmes que passer.

Puis, ce fut La Buvette ; encore un endroit qu'il valait mieux visiter de bonne heure : une petite salle large comme un couloir, sans tables, un bar sans tabourets avec une trappe qui ouvrait sur la cave où le patron plongeait quand le besoin s'en faisait sentir — c’est-à-dire à tout moment — ressortant comme le diabolus ex machina d’un théâtre populaire, les bras chargés de bouteilles. Clientèle ad hoc.
Ma belle commençait à faire la gueule.
Je l'embrassai. Je lui dis que si je ne lui faisais pas visiter l'envers du décor touristique, elle avait toutes les chances de mourir idiote. Elle me concéda que, pour une journaliste, cette visite ne manquait pas d'intérêt. — Chassez le professionnel, il finit toujours par revenir en trottinant.

Je l'emmenai ensuite à La Baleine, établissement nettement plus recommandable. La terrasse était pleine. Nous nous installâmes à l’intérieur. Le patron était un espagnol et, l'après-midi, on y jouait aux dominos (« … waisting time on dominos… ») entre compatriotes. Moyenne d'âge plutôt élevée ; quelques « républicains » ; un ou deux anars ; d'autres qui n'avaient pas dû être du même bord ; mais ce temps-là était loin : ils avaient fini d’y croire. Une partie faisait rage. Les dominos qui sont à l'ordinaire un jeu plutôt pacifique prenaient ici l'allure d'une guerre (assez peu) civile ; chaque joueur brandissant à son tour sa pièce au dessus de la tête avant de l'abattre avec fracas et force jurons sur la table. Caramba !

Ce bistrot avait constitué notre quartier général. Je dis « avait ». Il a beau temps que les « amis » ne venaient plus au rendez-vous. Ils avaient été dispersés « au vent mauvais ». Je n’y passais plus que de loin en loin : pour voir ; mais il n’y avait plus rien à voir.
Je commandai à boire.
Une table venait de se libérer à l’extérieur. Nous sortîmes. Je lui racontai un peu de ce qui fut notre histoire — et qui était aussi celle de beaucoup d’autres qui nous avaient ressemblés. Toujours la même histoire. Palabres et libations, dont il ne sortait pas grand chose, il faut bien le dire. Et le temps qui passait — nous passait au crible — ; mais lui ne bougeait pas : c’est nous qui partions. Nos rangs s’éclaircissaient. Et puis, un jour, on se retrouvait seul, assis à la même table, avec une formidable gueule de bois. Qu’avions-nous fait de notre belle jeunesse ? Rien — ou pas grand chose, il faut croire. Mais y avait-il vraiment quelque chose à faire ? « Depuis le temps que je cherche à faire quelque chose ! Il n’y a rien à faire : il n’y a rien à faire. » disait amèrement Jacques Rigaut avant de se tirer une balle en plein cœur. Bernard lui avait préféré la corde. Il s’était pendu, sans donner d’explication, comme le chanteur de Joy Division, un de ses groupes préférés. Je lui racontai brièvement l’histoire de Bernard — « Bernard, Bernard… » — , Yo et Patrick : Nec + Ultra — il y avait aussi Lucien alias Neu Lulu, le batteur du groupe, un vannier de la zone qu’on avait pas besoin de chercher pour le trouver, lui et son frère, Jaum-Peuss (en phonétique dans le texte ; en réalité Jean-Pierre), un colosse jovial et dangereux qui arborait une magnifique panthère noire tatouée autour du cou ; qui, après le split du groupe en avait formé un autre : A Bomb, avec la délicieuse Loukoum au chant, qui n’avait pas dû faire long feu non plus ; et qui, la dernière fois que je l’ai vu m’avait proposé de la « poudre » ; j’avais dit : non merci — qui faisaient du rock new wave dans une cave du quartier où nous venions les écouter massacrer quelques standards du rock’n’roll et « roder » leurs compositions (dont le mémorable Week-end sanglant que personne ne connaît) pour d’hypothétiques tournées qui, quand elles arrivaient à se concrétiser, finissaient immanquablement en galère, en buvant la bière que nous apportions par caisses entières. C’étaient eux aussi des habitués de La Baleine  ; mais qui s’en souvient encore ? Ils ne sont arrivés à rien. (Ils avaient bien réussi à enregistrer un super 45 tours ; mais leur impécuniosité chronique leur avait interdit de payer le producteur : celui-ci avait donc confisqué la précieuse « galette » qui ne fut jamais mise en circulation — à quelques rares exemplaires près qui doivent bien se trouver quelque part). Je ne sais pas ce qu’est devenu Yo après la mort de Bernard. Patrick, quant à lui, a poursuivi sa « carrière » de polonais alcoolique et polytoxicomane. Aux dernières nouvelles, il « vivrait » à Paris.
Mais je ne pouvais finir cette triste rétrospective sans évoquer le « pauvre François » qui fut peut-être le meilleur de ces amis « clairsemés » — et qui n’est plus qu’une ombre « de loin » qui de temps à autre envoie des signaux électroniques, depuis son ordinateur — auxquels je ne sais quoi répondre.

Je m’aperçus à son air ennuyé que je me laissais un peu trop aller au bavardage nostalgique — l’alcool aidant. Je coupai court. Tout cela n’intéressait finalement que moi : c’est vrai.

Heureusement, l’heure de manger approchait. J’avais réservé une table dans un restaurant du quartier : Le Pont aux chats. Mais avant cela, une petite visite au Café des Anges, juste de l’autre côté de la rue, s’imposait. En fait de milice céleste, la clientèle de ce bistrot se composait essentiellement d’étudiant(e)s, avec son lot de créatures dont le sexe ne pouvait « faire débat », comme on dit aujourd’hui ; et qui, en général, se montraient assez peu farouches vis-à-vis des pauvres mortels que nous étions : en effet, le « sexe », ne leur posait manifestement pas de problème — il me faut donc retirer l’épithète de « farouche » — qui même nuancée reste impertinente en l’occurrence — que je viens malencontreusement de leur coller au cul — qu’elles avaient plutôt accueillant

Il était temps, à présent, d’aller se sustenter. Il suffisait de tourner le coin de la rue et nous étions rendus. Le Pont aux chats était un petit restaurant qui avait su trouver un créneau — et donc une place — parmi la pléthore d’établissements que comptait la ville : une carte originale qui était régulièrement renouvelée ; une petite salle qui réservait quelques coins d’intimité pour couples d’amoureux. Je commandai un magret de canard aux fruits rouges ; et ma douce amie une souris d’agneau accompagnée d’un feuilleté d’aubergines. Nous arrosâmes généreusement le tout d’un bon Madiran. Ce qui fait qu’en milieu de soirée nous étions on ne peut plus gais et fort émoustillés. Encore un ou deux bars de nuit pour finir, et il serait temps de passer aux choses futiles.

À L’Alchimiste, devant une Orval, nous continuâmes à nous chauffer.
Un peu plus tard, à La Java, la température avait encore monté d’un cran. Il ne fallait plus trop tarder : je retirai sa main de mon slip et la mienne d’entre ses cuisses ; et nous filâmes vers l’hôtel où j’avais pris une chambre en début d’après-midi. C’était à deux pas : on est « logisticien » ou on ne l’est pas.

Dans l’escalier, comme elle me précédait, je ne pus résister au plaisir de lui mettre la main au cul et au con. Elle s’arrêta de monter et glissa la sienne dans mon pantalon. Elle ouvrit prestement la braguette pour dégager ma queue qu’elle enjamba en se collant contre moi au risque de me faire basculer en arrière. Je n’eus que le temps de me retenir à la rampe ; et me dégageant de son étreinte, je l’entraînai dans la chambre dont je refermai violemment la porte sur nous. Je me débarrassai de mon pantalon, pendant qu’elle déboutonnait son chemisier ; elle avait déjà fait glisser sa jupe et commençait à me pomper le dard alors que j’en étais encore à ôter mon T-shirt. La chose faite, je la relevai et la jetai sur le lit. Je retirai mes chaussures ; elle dégrafa son soutien-gorge qu’elle me jeta à la figure et me présenta sa croupe qu’elle commençait à agiter sous mon nez de manière tout à fait suggestive. Je m’avançai, l’arme au poing, et fit glisser la pointe de la lame le long de la fente déjà entrouverte et humide. Son : Oui !!! maintenant ! était plus qu’une invitation à entrer sans tarder dans le vif du sujet, à laquelle je faillis bien me rendre ; mais, il y avait la loi avec laquelle on se doit de ne transiger sous aucun prétexte — surtout quand on l’a soi-même établie. Je me retirai en me branlant énergiquement ; et quand elle se retourna dépitée pour châtier le coupable, je déchargeai à longs traits sur son beau visage bouleversé.
– Tu n’es qu’un salaud ! me cria-t-elle, en se barbouillant le con du sperme qui lui maculait la face ; et elle se leva pour fouiller dans son sac dont elle tira un godemiché, d’une taille respectable — modèle Rocco Siffredi : les « connaisseuses » et les « pipeuses » apprécieront — qu’elle plongea d’un coup dans la vulve comme dans son étui naturel. Elle maintenait, d’une main, l’engin bien planté dans le vagin ; et, de l’autre, me faisait signe de venir lui prêter la mienne qui, secourable, vint la remplacer dans son office. Je fis glisser lentement l’instrument de la douce torture dans la plaie, vers la sortie ; et quand il fut dégainé jusqu’au niveau du gland, je le replongeai tout au fond. Elle poussa un cri et inonda ma main d’un flot de cyprine. Je me branlais de plus belle ; et accompagnai ma Déesse, répandant sur l’autel une libation de foutre brûlant.
Jouir sans temps mort ; et vivre sans entrave : telle était notre devise.
Le godemiché toujours à la main, je la retournai sur le ventre ; elle releva immédiatement son cul dont le trou mignon semblait, lui aussi, lancer un appel à l’aide. Je commençai par promener la langue autour de l’orifice anal. Elle frétillait du popotin — et d’impatience. Je la fessai sèchement à plusieurs reprises ; et entrepris d’introduire le vit factice dans le trou du cul largement dilaté. La garce poussait tout ce qu’elle pouvait, si bien que le monstre ne tarda pas à rejoindre l’antre méphitique fait pour l’accueillir. Maintenant fermement la bête à sa place d’une main, je la fis se retourner ; et, de l’autre je lui branlai le con, où elle disparut presque entièrement ; si bien que Madame était doublement (et copieusement) servie. Elle me branlait frénétiquement. Mêlant nos cris et notre foutre, nous rendîmes l’âme de concert ; et comme personne ne se décidait à venir la prendre, nous nous relevâmes au bout d’un moment.

Lorsque j’avais loué la chambre, j’avais pris soin d’y apporter quelques rafraîchissements — si l’on peut ainsi qualifier le Mescal : l’eau de feu des Indiens. J’allai chercher la bouteille et deux verres que j’amenai sur un plateau où était disposé un assortiment d’amuse-gueule pimentés. Nous bûmes plusieurs verres en portant des toasts : au Mexique ! ; au Popocatépetl ; au Consul ! et — au Diable ! Si bien que la bouteille se trouva aux trois-quarts vide et que nous étions plus assoiffés que jamais. Il était temps de passer à la bière. Je décapsulai deux Bit glacées — Bitburger Pils pour les amateurs — que nous descendîmes avec délice. Ce qui ne contribua nullement à éteindre l’incendie, bien au contraire. J’étais chauffé à blanc. Quant à elle, il lui fallait manifestement encore un petit remontant ; elle extirpa de son sac un carré de papier quelle déplia précautionneusement et, après qu’elle se fut (re ?) poudré le nez, me proposa une ligne. J’avais laissé tombé tout cela depuis pas mal de temps : je refusai. Elle sniffa le reste de poudre pendant que je me jetais un dernier Mescal. Ma blanche amie, visiblement requinquée par la neige, s’approcha de moi, très allumée, en agitant le godemiché. Elle m’enlaça étroitement et, tout en me roulant une pelle magistrale, elle essayait de m’enculer. Je n’étais pas d’humeur. J’écartai le pal, m’en saisis et l’expédiai au loin. Elle éclata de rire :

– Monsieur est un douillet — ou bien il a des hémorroïdes ? A moins que ce ne soit ses règles ?

Puisqu’elle parlait de « règle », je lui mis la mienne dans la bouche pour qu’elle la ferme un peu ; et de mon côté je faisais disparaître ma langue dans son triangle des Bermudes. C’était une fellatrice de premier ordre. Quant à moi, je ne pense pas être prétentieux si je dis que je suis capable de langotter  comme une véritable tribade. Si bien que le foutre jaillit de part et d’autre. Mais elle avait toujours le feu au con. Elle alla ramasser le godemiché que j’avais jeté et recommença à se pénétrer furieusement en poussant des cris de plus en plus perçants. Elle était sublime dans ses débordements de ménade. Je la regardais se déchirer en me branlant ; et comme elle expirait enfin, je l’arrosai de foutre dont elle s’enduisit les seins et le ventre. Nullement rassasiée, la bacchante engloutit à nouveau ma bite déjà durement martyrisée et me suça  jusqu’à ce j’exprime tout ce qu’il me restait de sperme. Au comble de l’extase, elle se renversa sur le dos, les bras en croix, en exhalant un long soupir ; et je pus contempler, ravi, « L’Origine du monde », sublime tableau qu’elle exposait  pour moi seul.

Un jour timide commençait à poindre à travers les rideaux. Je me rhabillai. Elle restait là, offerte, les yeux mi-clos, pleine de stupre et de foutre. Je m’assis au bord du lit et la branlottai doucement ; elle gémissait. Je lui dis :
– Je m’en vais. The game is over. Same player don’t shoot again. Je  t’enverrai bientôt un peu de documentation pour ton papier. Ciao bella !

Et je quittai la pièce sans qu’elle eût bougé ni prononcé un mot.

En descendant l’escalier, je l’imaginais, rentrée à son hôtel, se faisant couler un bain de mousse où elle se plongeait avec délice, comme la Vénus des lupanars dans une mer de foutre, écumante et lustrale.

« … in the low tide of the night…» La nuit était à marée basse à présent. Je mis le cap sur le Bon Berger. C’était toujours le même spectacle désolant d’éponges dégorgeantes et d’épaves échouées. Je pensais qu’il était temps de prendre le large, de quitter la ville, si je ne voulais pas finir comme ceux-là. Je partis sans vider mon verre ; « comme un crabe qui marche de travers ».


(À suivre)

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