jeudi 18 août 2011

Entretiens avec le Professeur X (Exercice de style) – Épisode 9


8.


C’était le « grand soir ». J’arrivai à l’enregistrement de l’émission « phare » de la rentrée littéraire passablement éméché.
J’avais d’ailleurs renoncé, dans un premier temps à venir, quand j’avais appris qu’il ne se ferait pas en direct. Évidemment les provocations imbéciles de la coqueluche du moment pouvaient laisser prévoir des dérapages. Courageux, mais pas téméraire, le connard médiatique qui présentait l’émission avait sagement décidé de l’enregistrer la veille du jour prévu pour sa diffusion avec des journalistes et des critiques triés sur le volet ; c’est à dire pas (trop) critiques, justement.
Puis, je me ravisai, pensant que je pouvais tout de même tirer parti de la situation puisque les journalistes m’attendaient aussi : c’était ma première apparition publique. De plus, je volais déjà quelque peu la vedette au « phénomène littéraire ». Et rien ne m’empêcherais, quoi qu’il en soit, de m’offrir le petit plaisir (malsain) de lui cracher à la gueule et de l’insulter, certes pas en direct, mais quand même devant une belle brochette de gens de la profession qui ne manqueraient pas de faire une relation circonstanciée et malveillante de l’esclandre dans leurs torchons respectifs — et qui plus est : elle serait présente.

Sur le plateau régnait une ambiance feutrée de circonstance. Je me dirigeai sans attendre vers le buffet pour y engloutir force toasts et écluser quelques verres supplémentaires ; mais j’étais attendu : les appareils photographiques se mirent à crépiter. On se précipita pour enregistrer « les premières paroles du poète ». J’émis un rôt retentissant et passant outre cette tourbe — « brouillard d’hommes » comme le dit dédaigneusement Frédéric, d’une autre variété de parasites, dans Les enfants du paradis —, j’arraisonnai le bar et me mis à descendre ostensiblement quatre ou cinq whiskies bien tassés.
Le connard médiatique de service avait l’air un peu embarrassé ; mais tout compte fait, il dut se dire que cela correspondait tout à fait à mon « image ».

Sur ce, nouveau remue-ménage. Flanqué de son gros porc d’éditeur qui se léchait les babines à la seule pensée des dividendes qu’allait lui rapporter son poulain, le « phénomène » fit son apparition. On allait nous présenter. Il se dirigea vers moi, l’œil un peu moins éteint qu’à l’habitude, toiletté de frais, dans une chemise Vichy, avec sa petite tête de Tintin anémique ; et fit mine de me tendre la main. Mon sang n’eut pas le temps de faire un tour que je lui crachai à la gueule tout en l’abreuvant d’un flot d’injures digne du capitaine Haddock. Le pauvre chou restait planté là, médusé ; son coach faisait dans son froc. On fit mine de me retenir alors que je ne bougeait pas. Mais j’en avais fini. Il ne me restait qu’à quitter ce cloaque avec le sentiment du devoir accompli — non sans avoir glissé à l’oreille de ma critique favorite qui n’avait pas perdu une miette du spectacle et souriait, mi réprobatrice mi amusé, l’air de dire : vous êtes décidément un enfant :
– Après l’émission, rejoignez-moi au bar du coin.

Je mis les voiles illico vers le bar en question

Je descendis quelques bières pour rincer cet immonde whisky dont j’avais horreur. J’avais une envie furieuse de la baiser, enfin, une bonne fois pour toutes — avant de passer à autre chose.
Lorsqu’elle arriva — fort tard —, j’étais dans un état lamentable, quoique fort digne en apparence : l’habitude.
Elle s’installa à mes côtés. Elle m’embrassa du bout des lèvres :
– Pas mal votre numéro. Vous avez fait votre petit effet, je peux vous l’assurer. Vous verrez ça demain dans la presse, me dit-elle.
Et moi :
– Et l’autre ordure, vous lui avez servi la soupe, comme il se doit ?
– On ne se re-tutoie plus ? demanda-t-elle.
Il valait mieux que je ferme ma grande gueule. Je l’embrassai goulûment en m’affalant sur sa poitrine. Il devenait difficile de lui cacher plus longtemps mon état d’éthylisme avancé — qu’elle pouvait de toute façon difficilement ignorer.
– Je vais te raccompagner à ton hôtel ; nous reparlerons de tout ça demain matin ; lorsqu’il fera plus clair.
J’obtempérai. Mais dans le hall, après avoir récupéré ma clef et comme elle me pilotait tant bien que mal vers l’ascenseur, j’eus une incoercible poussée de libido. Je l’attirai violemment contre moi ; et, lui relevant la jupe, j’arrachai violemment sa culotte — et c’est moi qui me retrouvais sur le cul. Réprimant difficilement un fou-rire, elle me tendit la main pour m’aider à me relever, ce qui n’allait pas sans difficulté vu l’état pitoyable dans lequel je me trouvais.
– Il ne suffit pas de vouloir, fit-elle narquoise, encore faut-il pouvoir.
Je me relevais finalement. Elle appela l’ascenseur.
À l’étage, elle me conduisit tant bien que mal jusqu’à la porte de ma chambre qu’elle ouvrit elle-même : c’était préférable
– Il vaut mieux que tu te couches — seul, me dit-elle avec une petite moue qui me piqua au vif.
Je la saisis à pleines mains par les fesses, retroussant la jupe dans le même mouvement que ma bite insurgée s’érigeait et venait la harponner. Elle poussa un petit cri de surprise et de ravissement et vint s’empaler plus profondément sur l’engin. Je la maintenais ferme, lui écartant les fesses. Elle lança ses jambes autour de mes reins : elle s’envoyait en l’air ; j’étais aux anges. Je déchargeais spasmodiquement, sans plus attendre, tout au fond du vagin, en plein cœur du sanctuaire, enfin, là où le Dieu aime à se cacher parce qu’il sait qu’on viendra l’y chercher ; pendant qu’elle jouissait en lâchant les grandes eaux.

Je ne me rappelle plus très bien la suite. Je me souviens vaguement d’avoir bafouillé : « La moelle de l’épée dans le poil de l’aimée. », t’as le bonjour de Marcel ! (Duchamp, pour les incultes), avant de m’effondrer. Elle m’a sans doute aidé à me traîner jusqu’au lit où je me suis réveillé le lendemain, après un court sommeil agité, avec une épouvantable gueule de bois. Je descendis acheter les journaux. Après mon esclandre, qui était à peine mentionné, le « phénomène » avait fait son numéro habituel, en plus soft pour la télé, devant un parterre de faire-valoir qui ne risquaient pas de lui porter la contradiction. Bref tout s’était déroulé le mieux du monde entre gens de bonne compagnie. Mais qu’est-ce que j’en avais à foutre ? J’avais baisé cette belle salope — je parle bien entendu de « ma »; critique si peu critique — et c’est la seule chose qui importait ; je pouvais songer, à présent, à voguer vers d’autres eaux, moins troubles et plus profondes — mais serait-ce « en douceur » comme le dit la chanson ? J’en doutais.


(À suivre)

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