mercredi 3 août 2011

La Conférence de l’Institut de Préhistoire Contemporaine – Épisode 11

Noyé : Les premiers mots de Yves ont été de suite brutaux : Vous êtes là, vous voulez partouzer, vous n’osez pas !

Raouf : Déchaîner le mal, c’est plus facile que de le maîtriser et d’en faire quelque chose.

Noyé : Dans tous les romans de sorcellerie, c’est l’apprenti sorcier qui est tué. Je ne suis pas pour le bien mais pour le vice et je le revendique.

Raouf : Pourquoi tu n’as pas commencé comme ça le premier jour ?

Noyé : Ce ne pas l’envie qui me manquait mais je n’ai aucun pouvoir et dans une certaine mesure je le fais aussi mais d’une autre manière.

Raouf : Dans une cérémonie chamaniste il y a un accord entre tous les participants et la transe du médium est une transe collective. Hier, ce n’était pas ça.

Noyé : Oui, il n’y a pas eu accord sur la méthode, sur rien.

Dynamite : C’est marrant : ceux qui ont parlé avec leur cul nient la transe et ceux qui ont gradé leur calme n’ont que l’esprit et la transe à la bouche.

Honoré : Il a tenu des propos inacceptables. Les Juifs n’acceptent pas de se faire traiter de sales juifs.

Ariel : Et ils ont bien tort !

Honoré : Hein ?

Elie : Je préfère être traité de riche juif !

3 secondes de silence.

Honoré : Hier si quelqu’un avait touché à Raouf, il était mort.

Dynamite : Je suis d’accord, on t’insulte, tu tues.

Ariel : Vous n’acceptez pas la provocation.

Honoré : Il y a des propos inacceptables.

Suzanne : Que personne n’a tenu !

Enorme brouhaha.

Joan : Ce qui me révolte dans le racisme, c’est la lâcheté, le consensus social. C’est le contraire de la noblesse, du courage, de tout ce qui est bon.

Raouf : Il y a deux types en moi, un qui voulait laisser passer et l’autre qui voulait le tuer. Un camarade qui a débloqué plein d’issues, qui a fait preuve d’esprit et qui s’enfonce dans un marais infâme, c’est encore plus incorrect. Un Dupont-Lajoie, je m’en serais foutu mais entre nous, c’est intolérable.

Noyé : C’est l’histoire de Faust. On imagine que pour des gens progressistes comme nous tout ça est dépassé, mais non ! Hegel dit : « C’est la rose de la raison sur la croix du présent ». La croix est lourde à porter mais l’histoire de la raison poursuit son cours. Je pense que Yves n’est pas raciste mais que le racisme est devenu le problème de l’assemblée…

Yves Tenret : Comme Jean l’a dit, je voulais fraterniser et là est mon erreur. Dans mon expérience quotidienne, je côtoie tout le temps des Noirs, des Arabes, des Juifs, - j’habite dans le Marais -, des femmes, des enfants, etc. Je n’ai aucune hostilité préconçue à l’égard de personne. Ça fait 2, 3 heures que vous me jugez. Qui êtes-vous ? Vous n’avez aucun problème ?

Joan : Qui dit ça ?

Yves Tenret : Il n’y a que moi sur la sellette. Personne parmi vous n’a jamais fait une remarque raciste quand un étranger draguait sa femme ?

Joan : Ce genre d’aveux ne m’intéresse pas.

Yves Tenret : Tu penses que je voulais asseoir mon pouvoir, que j’étais en train de recruter des gens ?

Joan : C’est patent !

Yves Tenret : Patent ?

Joan : Patent ! Manifeste ! Clair !

Ornas : Mais c’est complètement absurde.

Yves Tenret : Et pour toi, j’étais un lâche en plus...

Ornas : Vouloir asseoir son pouvoir sur cette assemblée par des propos racistes aurait été complètement débile !

Joan : Je ne comprends pas.

Ornas : C’est normal. Il n’est pas raciste.

Joan : Donc il est lâche.

Noyé : S’il est raciste !

Yves Tenret : Ce n’est pas linéaire. On est à la fois tout et rien. On ne naît pas avec un amour universel pour les autres. Tout se passe dans des difficultés, par des expériences. En tant que belge, je me fais vanner du 1 janvier au 31 décembre.

Noyé : L’assemblée ne parle pas de toi mais d’elle-même, de son histoire, de sa poursuite. Elle délibère sur elle-même.

Raouf : C’est un drôle de procédé que de vouloir fraterniser par antiphrase. Les staliniens font en général exactement l’inverse de ce qu’ils disent mais ici on cherchait la transparence. Tu n’as pas de problème d’expression verbale ni de timidité particulière...

Silence qui dure...

Brame : On a tous des problèmes de communication. Moi qui suis toujours mesuré dans mes propos, la façon dont je m’exprime est aussi fausse. On subsiste, on essaye de ne pas être piétiné, anéanti, crevé. Je ne parle pas comme je veux.

Noyé : Ah ! Ça oui ! Moi non plus. Merde !

Brame : Si on attaquait les binoclards, ça ne me ferait rien.

Joan : C’est ça le consensus social merdeux.

Brame : Il n’était pas dans un café de blancs agressant un noir solitaire.

Silence.

Raouf : Je partais du postulat que quand on a compris le monde, on ne s’arrête pas à des apparences comme la couleur de la peau et tout ça, je me suis planté sur le sens de la plaisanterie.

Rire de Joan.

Brame : Ce sont des a priori faux. Celui qui dit : « J’ai compris le monde, je ne m’arrête pas à des questions inférieures à ma compréhension », c’est un idéologue, c’est un menteur. Sanguinetti, il raconte ce qu’il veut sur la théorie, qu’il contemple le monde du haut de sa théorie. Moi pas !

Raouf : Sanguinetti, il n’en a rien à foutre du monde ! Et quand ce type est venu dire que ces tables étaient un triangle dont Jean-Luc était le sommet, ça évoquait doublement les vieux démons.

Yves Tenret : Un théoricien doit être à la fois en dessous et en dessus des questions.

Brouhaha.

Yves Tenret : Je suis en dessous de toutes les questions mais ce qui m’étonne ce sont tous les êtres finis qui sont ici, ceux qui considèrent que les rapports entre sexes, entre races, entre cultures sont des questions résolues pour eux, qu’ils ont dépassé le stade où ça bougeait encore.

Brame : Les êtres finis m’ont toujours étonné. Ils se considèrent eux-mêmes comme achevés. C’est étrange, impossible.

Yves Tenret : J’aurais pu être cent fois plus grossier. Je me connais. Ç’aurait pu être la question de la femme. Faut pas se leurrer ! Maintenant, si certains se considèrent une fois pour toutes comme des gens biens et qu’ils veulent que je m’en aille, qu’ils s’expriment, je m’en irais. Il faut que cela soit clair. Je ne veux pas argumenter. J’ai eu un comportement de crétin.

Dynamite : Il y a un malentendu là. Les gens sont ici parce qu’ils ne se considèrent pas comme finis. Dans le cas contraire, ils ne seraient pas là.

Brouhaha. Dix personnes parlent en même temps.

Yves Tenret : Ce n’est pas une question d’intention, c’est une question de pratique. Je n’en ai rien à foutre de la façon dont les gens se considèrent !

Dynamite : De quoi parles-tu ?

Yves Tenret : Il y a plein de gens qui me montrent du doigt en me traitant de raciste. Je ne le suis pas. J’en ai marre !

Brouhaha.

Raouf : Il y a des gens ici avec qui la question de la race ne s’est jamais posée et pourtant on discute de beaucoup de choses. Et s’il y a un racisme avec eux, c’est un racisme contre les non-humains, contre ce qui est inhumain en nous.

Dynamite : Un con, la connerie ne sont pas finis non plus...

Noyé : Cela fait 4 ans qu’on se connaît sans qu’on ait abordé cette question. Ça nous ramène un peu les pieds sur terre. On ne doit pas se voiler la face.

Tom : Non ! Non ! Au contraire.

Noyé : Pour parler comme au temps des jeunes hégéliens, l’assemblée est ramenée des hautes sphères célestes de la critique pure à la réalité.

Jerry : Pour avoir les pieds sur terre, on n’est pas obligé de marcher dans la merde. Ceci dit, être raciste peut arriver à d’autres membres de cette assemblée...

Brame : On ne peut pas éviter de marcher dans la merde mais on peut éviter de se salir c’est-à-dire d’être un merdeux.

Silence de 10 secondes.

Honoré : Comment ce mec peut-il dire aujourd’hui : « Je n’ai pas tenu ces propos-là », voilà ce que je voudrais qu’on m’explique !

Yves Tenret : Je n’ai jamais eu de pratiques racistes. Je reste absolument persuadé que j’étais dans une espèce de délire poétique. Raouf m’a traité de con et je l’ai mal pris. J’ai exprimé du meilleur, du bon, du mauvais, tout un inventaire. Ceci dit, ce n’est pas très productif de penser : les salauds d’un côté, nous autres de l’autre... Les choses bougent, vont, viennent. C’est du quotidien. Il y a toujours une tension, pas un bon et un mauvais camp, des trucs bien tranchés et bien clairs. Je ne généralise pas, je ne sens personne inférieur à moi. Plus je connais les gens, plus mon avis sur eux est nuancé. Votre grégarisme est oppressant ! Le groupe est oppressant. C’est ce que j’ai dit hier. Zut ! Tous les hommes naissent libres et égaux... Je suis rousseauiste.

Sadoc : Ce n’est pas loyal. Tu sèmes la confusion. Je ne viens pas ici pour montrer que je ne suis pas grégaire. Tu mets toutes les têtes sous tension. Personne n’a à dire s’il a été raciste ou pas.

Raouf : C’est ce qui a raté dans ton opération chamaniste : tu as créé l’unanimité... contre toi ! C’est-à-dire finalement une façon d’être bien ensemble.

Ornas : Il n’y a pas eu unanimité.

Noyé : Nous n’étions pas pour les mêmes raisons contre lui. Moi j’étais atterré surtout quand il disait du bien des gens parce que si moi je suis flic, par exemple, et qu’on me dise « les policiers sont biens », j’entends : « enculé de flic ! » Par contre, je ne comprenais pas l’indignation de Joan.

Joan : Pour moi insulte, ça veut dire « rupture ». Il faut la manier avec beaucoup de doigté. Chaque mot doit avoir un pouvoir. C’est pour ça que je n’aime pas l’américain parlé aujourd’hui. Les blasphèmes les plus horribles sont devenus courants. La contestation a été complètement récupérée. On ne peut plus se mettre en colère, tout est devenu banal.

Brame : Tant mieux si les vieux tabous sont désacralisés. Il faut inventer de nouvelles insultes.

Joan : Je déteste les mots en l’air.

Noyé : Le plus grave reproche que j’aurais à faire à Yves T. c’est qu’il insulte des gens sans vouloir les insulter, en prétendant communiquer. Quand il dit : « On sort si tu veux », il n’a pas l’intention de sortir. Moi je suis contre tous les mensonges, pour l’honnêteté absolue. L’insulte a beau être poétique, un artifice, tout ça c’est un mensonge. Il vient seul ou avec ses alliés, il y a bataille, guerre. Il aurait dû aller chercher ses copains, venir ici, massacrer tout le monde pour venger l’affront, etc.

Ornas : Il serait sorti.

Noyé : Oui. Il sort mais il ne se bat pas. Il se laisse démolir.

Véronique : Pour moi, il était sincère tout le temps. Il y a eu un phénomène qui commençait à agir contre lui et au bout d’un moment, il s’est enfermé dans cet univers. Je l’ai ressenti comme ça. Pour moi, il n’y a jamais eu mensonge. Je l’ai reconnu de bout en bout comme un être absolument vrai.

Brame : Il y a une tendance psychanalytique ici avec laquelle je suis complètement en désaccord. On ne peut pas raisonner dans ces termes...

Noyé : Ou blanc ou noir !

Brame : Oui... Non... Tu ouvres ta gueule, tu crèves. Pourquoi ils ne peuvent pas parler les gens, bordel ? C’est parce qu’ils ont peur de ce qu’ils vont dire.

Sadoc : Parle en ton propre nom. Les raisons pour lesquelles les autres ne peuvent pas parler, il faut leur laisser.

Brame : Les raisons pour lesquelles je me tais par exemple ?

Sadoc : Oui.

Brame : En toute situation, je fais attention à ce que je dis. Pourquoi je ne me laisse pas aller ? Pourquoi à un tas de moments, je suis inférieur à moi-même et je ne dis pas ce que je pense ?

Sadoc : Yves T. ne peut pas venir et dire le problème avec Raouf est réglé !

Il claque des mains.

Ornas : Pourquoi pas ? C’était un problème entre eux.

Sadoc : Il ne s’excuse même pas.

Long silence accablé.

Dynamite : Jean veut arriver à dire des choses qu’il ne maîtrise pas mais Lénine s’est laissé emporter par des choses, « faisons ça » mais ce n’était pas vraiment ce qu’il voulait dire. Après, il y a des conséquences à assumer. Tu ne peux pas dire que c’est parce que tu es pauvre que tu traites quelqu’un d’enculé.

Brame : Ce ne sont pas nécessairement des discussions polémiques. Ce à quoi il faut tordre le cou c’est l’illusion, les idées erronées. Je n’imagine absolument pas qu’on puisse être unilatéralement pur de toute souillure. Je serai propre et immaculé et le monde serait plein de salauds. Bordel ! Merde ! La saloperie est en nous. Ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont des salauds. Il y a des moments où moi je peux être un salaud. La manipulation existe, elle fait partie du monde. Ce ne sont pas les politiciens qui sont manipulateurs, ce sont les rapports sociaux existants.

Noyé : J’ai manipulé l’assemblée depuis le début surtout en me taisant mais c’est quand j’ouvre ma gueule qu’on me reproche de la manipuler. Dans la mesure du possible, tout ce qui se passe ici, je l’ai voulu. Est-ce ma faute si les autres ne parlent pas ? Qu’importe ! Et je me modère...

Sadoc : Je ne manipule pas l’assemblée comme Yves T. ou Jean-Luc et je le revendique.

Noyé : Il n’y a pas de manipulation de la part de Yves T. Il arrive en bloc, toutes voiles dehors. Moi, je cache des choses. Lui rentre dans le chou à tout le monde. Bing ! Bang ! Boum !

Joan : De toute façon, s’il y a eu manipulation, ce n’est pas de sa faute car ce serait l’assemblée qui se serait laissée manipuler. Deuxièmement, toi non plus tu ne peux pas manipuler cette assemblée car elle est composée de trop de fortes personnalités.

Noyé : J’ai adopté une tactique et elle a produit des effets.

Joan : Ce n’est pas une manipulation, c’est ton approche, ton choix.

Brame : Il faut avoir une attitude théorique...

Noyé : Expérimentale ! Expérimentale !

Sadoc : Yves T. quand il règle le problème en aparté avec Raouf, c’est de la manipulation.

Brame : C’est ton opinion.

Noyé : L’Internationale situationniste voulait vivre expérimentalement et ils n’ont jamais été capables de le faire. Depuis 8 jours, nous ne faisons que ça. Ne nous plaignons pas que cela soit trop expérimental.

Dynamite : La plupart des gens reconnaissent qu’il y a eu du bon hier.

Noyé : Eurydice se plaint qu’hier ait gâché les résultats de dimanche. Elle est déjà propriétaire de quelque chose et à peur de le perdre. Elle résiste à l’expérimental.

Eurydice : Le conflit a commencé dimanche. Jusque là, on parlait de la façon d’être ensemble, de communication et dimanche on a parlé d’insatisfaction. Dans cette assemblée, depuis le début, il n’y a personne qui ait dit quoique ce soit. Tout le monde a parlé mais tout le monde s’est tu. L’opposition n’est pas parole/silence, c’est autre chose, je ne sais pas quoi. Le conflit d’hier était faux, spectaculaire. Il n’y a pas eu de provocateur. Il était sincère et plutôt cohérent. Mais tant qu’on y est pourquoi on n’a pas invité aussi un journaliste ? Moi, je n’ai pas envie que Yves T. soit là. Le cinéma, dehors, je le vois tous les jours...

Ornas (excédé) : La délégation suisse suspend pour un moment sa participation.

Dynamite : Vous reviendrez demain ?

Ornas : Peut-être... Même ce soir, si vous continuez...

Sylvie Bolomet, Marcel Ornas, Jérôme Malsain et Yves Tenret sortent.

Brame : Eurydice, pourquoi tu traites Yves T. d’ennemi ?

Dynamite : Comme Gluksmerde !

Noyé : Pourquoi comparer Yves à un journaliste ou à un Glucksmann ? Pour moi, il ne fait pas de cinéma, il est sincère.

Joan : Pas pour moi. C’est un menteur, un malhonnête.

Dynamite : Il ment en te regardant dans les yeux. Il est doublement menteur et pris en flagrant délit, il rétorque qu’il ne mentait pas !

Véronique : Je n’en reviens pas de ce que vous dites. Il était absolument sincère. C’est quelqu’un qui s’exprime complètement, du bout des ongles des doigts de pied jusqu’au bout des cheveux. Je l’envie. J’aimerai tellement m’exprimer totalement comme lui ! Je ne peux pas. J’essaye tous les jours et je mourrais peut-être avant d’avoir réussi à le faire mais je ferai tout pour y arriver. Lui le fait !

Gros brouhaha.

Véronique : Bien sûr, il provoque, il a une tendresse, un amour provocant, c’est vrai, il est complètement malade, mais moi je m’en fous de ça.

Tom : Mais pourquoi les gens ne sont pas capables de dire très simplement : « Aimez-moi ».

Véronique (hurlant) : Mais parce que c’est impossible à dire, connard !

Tom : Je le sais.

Véronique : Alors laisse le dire comme il peut.

Noyé : Mais pourquoi les gens sont-ils paranoïaques au lieu d’être rationnels ?

Véronique : Permet lui de s’exprimer comme il peut ! Qu’est-ce que ça peut foutre ? Ça n’a rien de choquant. Le calme me choque beaucoup plus profondément.

Joan : Toi et moi sommes aux deux extrêmes. Pour moi, il est calculateur.

Brame : Il est tout ça à la fois et son contraire.

Suzanne (saoule) : Il est vrai !
Dynamite : J’ai connu des menteurs extrêmement habiles.

Noyé : On ne peut pas accuser les gens sans preuve.

Jacques : Je suis scandalisé par les accusations proférées contre Yves.

Suzanne : Moi aussi !

Noyé : Je pensais, il va se couper mais il s’est toujours recoupé. J’ai toujours rêvé d’être flic. S’il avait menti, ça ne nous aurait pas échappé. Il y a 35 flics ici !


Suzanne : Je suis d’accord avec toi !

Sadoc : Je défends l’esprit de la conférence et par rapport à elle, il s’est montré manipulateur de début jusqu’à la fin.

Noyé : Il a attaqué la conférence, il lui a livré la guerre mais il ne l’a pas manipulée.

Brouhaha.

Dynamite : C’est l’assemblée qui lui a conféré sa force.

Noyé : Oui. Et il l’a retournée contre elle !

Dynamite : C’est ça la manipulation.

Noyé : Il a exploité un avantage concédé par l’ennemi. Il avait un gros handicap, il était seul. La conférence avait 40 points d’avance. La partie commence, tac !, il marque un jeu.

Dynamite : S’il nous fait la guerre, c’est un ennemi.

Noyé : Pas nécessairement. Les Grecs se battaient entre eux mais lors des fêtes, ils s’arrêtaient pour célébrer les jeux ceci, les aphrodisies cela. Et c’est peut-être moi qui suis votre ennemi, l’ennemi de la conférence. Et c’est comme ennemi que je n’apprécie pas Yves, il n’attaque pas assez la conférence.

Joan : J’ajouterai un élément à mon hostilité à son égard : la complaisance.
Noyé : Je te l’accorde.

Joan : D’accord moi aussi, j’ai des défauts mais c’est de lui qu’on est en train de parler. Peut-être qu’un jour, on parlera de moi...

Noyé : Oui, il s’est même reproché lui-même sa complaisance.

Tom : Ceci dit, il reste vrai que nous avons eu peur de l’expérimental.

Jacques : Cela apparaît bien chez toi. Tu as un côté moralisateur, tu veux moraliser la démocratie qui essaie d’apparaître, qui règne entre nous comme si tu voulais empêcher quelque chose d’arriver et que Yves T. voulait accoucher. Ça me gène beaucoup.

Joan : C’est juste une impression ou... ?

Jacques : Sans doute avec maladresse mais Yves T. manifestait un fort désir de communiquer et diverses tentatives de le censurer ont été faites dont celles de Tom et celle de Raouf. Je ressens ça comme ça. Quand on accuse Yves T., je me sens atteint, je me sens accusé à travers lui.

Joan : Où tu as vu qu’il avait été empêché de communiquer ?

Jacques : On l’accuse de choses qu’il n’a pas faites. J’ai beaucoup de sympathies pour lui et je m’opposerai sans arrêt au fait qu’on veille l’exclure. L’insulte est quelque chose d’extrêmement révoltant mais je reste persuadé qu’il n’a insulté personne. Il a révélé chez nous quelque chose de mauvais, de vil et c’est ça qu’on a refusé...

Raouf : On ne peut pas insulter à la légère. C’est un peu simple cette psychothérapie de groupe.

Brame : Raouf ! Il faudrait que tu fasses un tour dans les ateliers. Les gens y passent la journée à se traiter de tous les noms. L’insulte n’a pas le sens que...

Joan : Il devrait l’avoir ! C’est ça que je dis !

Dynamite : Mais il ne l’avait pas pour lui...

Brouhaha.

Raouf : Il y a des règles de communication. Une poignée de main, ce n’est pas un poing dans la gueule.

Véronique : Ce n’est pas vrai !

Raouf : Nous cherchons ! Et que le mec, lui, s’interdit de chercher en choisissant de faire le contraire de ce qui se fait officiellement. Il a commencé par nier l’assemblée puis il a nié les individus.

Jacques : C’est en accusant Yves T. qu’on me nie. Lui il était une théorie vivante de la communication, il disait quelque chose !

Sifflement sarcastique de Raouf.

Jacques : Vous avez une idée différente de la communication et c’est là-dessus que vous vous êtes engueulés.

Raouf : Je ne suis le nègre de personne !

Suzanne : Oh ! Ça va ! On le sait !

Raouf : Je refuse une telle communication. Et tu peux me raconter tout ce que tu veux comme galipettes dialectiques sur le chamanisme.

Suzanne : Arrête tes conneries Raouf !

Jacques : Ce qui s’est joué entre vous, ce n’était pas ça.

Raouf : Ecoute-moi ! Le mec aujourd’hui, il est venu et il a expliqué son attitude. Personnellement, je considère que ce qu’il a dit est suffisamment clair pour que, même si il n’est pas venu me dire bonjour, je ne m’estime plus insulté. Le problème qui demeure, c’est qu’on pouvait communiquer et qu’on n’a pas communiqué.

Jacques : C’est un fait !

Raouf : Et ça c’est par sa faute.

Joan : Je pense que l’assemblée existe dans le sens où c’est plus grand que moi parce que jamais toute seule, je n’aurais admis ou tolérer de parler avec quelqu’un comme Yves T.

Tom : Quand tu vois quelqu’un comme ça qui se débat dans son caractère, dans sa cuirasse caractérielle, complètement, au sens le plus fort, et toi tu ne peux rien faire... Il faisait des efforts désespérés, parfaitement aliénés, parfaitement incompréhensibles...

Raouf : Et puis moi j’ajouterais que je connais un vrai chaman quoi ! Il s’appelle Djat et lui a réellement de l’esprit ok ? Quand je vais le voir, il me parle pendant une demi-heure, je ne comprends pas ce qu’il dit, ce n’est ni du français, ni du ouolof, ni aucune langue. Quand je lui dis : « Ok Djat maintenant ça suffit, moi je m’en vais », il dit : « Non, Raouf, viens ! Bon, tu veux parler avec moi ? Bon alors écoute, voilà ce qui s’est passé... » Et en 5 minutes, il t’explique ce qui s’est passé en 2 ans de politique et d’événements sociaux au Sénégal... Ça c’est un chaman ! Parfois il te dit des mots que t’as jamais entendu et qui sont limpides.

Noyé : C’est exactement ce que j’ai ressenti avec Yves. Des mots limpides que je n’avais jamais entendus. Ce sont mes propres paroles que tu viens de redire. Ce sont des phrases que j’ai notées.

Raouf : Alors là, je ne suis absolument pas d’accord.

Noyé : J’ai entendu des mots limpides. Exactement les mêmes termes... Donc quand on se retrouve devant un sorcier, on emploie spontanément les mêmes termes. Bon... On n’est pas sensible aux même choses... Je ne conteste pas ses défauts et il ne les conteste pas... Bon, dans sa complaisance... Est-ce un défaut ? Je veux dire qu’il en rajoute aussi sur ses défauts, aujourd’hui.

Raouf : En acceptant a priori d’avoir tort, il refuse le dialogue.

Noyé : Oooooh ! Tu veux le forcer au dialogue ?

Joan : Mais où est-il ?

Dynamite : Toute la section suisse s’est absentée.

Raouf : Hier au cours de la discussion, quand on essayait de parler, disons normalement, il faisait une réflexion : « Bon d’accord, d’accord ».

Noyé : C’est une fin de non-recevoir.

Jacques : Je ne sais pas si vous avez remarqué que quand Yves T. s’adresse à l’assemblée, il dit toujours « vous » ? Jamais, il ne s’inclut dedans.

Fabiola : Il n’a rien amené. Il a changé le mot orthodoxie par celui d’implicite, c’est tout.

Noyé : Implicite ne signifie pas orthodoxie ! Implicite me fait bondir, pas orthodoxie. Et il a précisé qu’il attaquait le « ça va de soi ».

Dynamite : La police c’est les mœurs, dit-il. Les mœurs sont généralement implicites et orthodoxes dans la mesure où ils sont censés être corrects !


P.S. Chers fans de Noyé, ce fut un très grand moment. Et il y a ici beaucoup de chose à apprendre sur votre vénéré maître. Qu’est-ce qu’il fut remarquable ces jours-là !
Ne vous reniez pas. Approfondissez !


(À suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire