lundi 28 novembre 2011

Sur deux extraits du Journal de galère d'Imre Kertész

1.
Dans son Journal de galère, Imre Kertész écrit : « La dépression est une impuissance, elle signifie se fondre dans la masse. » La dépression n’est une « impuissance » que dans la mesure où elle est une perte de la puissance — de l’énergie. Et cette perte d’énergie se traduit par un retour à la matière « inerte » — à la « masse », la materia prima d’où tout est issu et où tout retourne. C’est, au sens strict, un retour à la source : un ressourcement. Ainsi, si la dépression est une expérience terrible : une malédiction, la sortie de la dépression est une renaissance : une bénédiction.

2.
Et plus loin : « Goethe : le plus fantastique (il n’emploie pas ce mot-là, bien sûr), c’est quand on réussit à relier la fin de sa vie et son commencement. » La formule attribuée de Goethe se trouve chez le pseudo-Aristote : « Alcméon affirme que ce qui fait que les hommes meurent c’est qu’ils ne leur est pas possible de joindre le commencement et la fin. » ; c’est-à-dire : de boucler la boucle comme l'Ouroboros, figure de l’Œuvre.

3.
Mais n’est-ce pas cette circulation même de l’énergie que produit la dépression ? Une sorte d’inspir et expir par lesquels s’anéantit et se recrée le monde — le petit comme le grand, ewig. Bien sûr, il faut compter avec l’usure des étants : « La vie brûle de se répandre et les êtres sont consumés. ». Mais l’Être est éternel, sphérique et immuable comme le veut l’Éléate ; ou pour le dire à la manière de l’Obscur : tout passe sauf le passage.






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