lundi 26 décembre 2011

Une lecture alchimique d’In girum imus nocte et consumimur igni / 5

5. La Chevalerie amoureuse

On sait que Debord utilise abondamment la métaphore du combat militaire dans son film et qu’il y multiplie à l’envie les images guerrières où deux armées s’affrontent. Il dit très explicitement parlant de l’objectif de l’I.S. : « Notre intention n’avait été rien d’autre que de faire apparaître dans la pratique une ligne de partage entre ceux qui veulent encore de ce qui existe et ceux qui n’en voudront plus. », c’est-à-dire de faire apparaître deux camps antagonistes qui vont se combattre — autrement dit : aller au feu. Nous en revenons ainsi à l’alchimie que nous n’avons jamais vraiment quittée.

Les alchimistes ont eux aussi utilisé la métaphore guerrière dans leurs écrits pour parler de l’Œuvre ; ainsi d’Alexandre-Toussaint Limojon de Saint Didier qui a écrit un Entretien d’Eudoxe et de Pyrophile sur l’ancienne guerre des chevaliers.

La Quête du Graal — qui peut se lire elle aussi comme une métaphore alchimique — et la chevalerie arthurienne est une référence constante chez Debord depuis les tous débuts lettristes jusqu’à la fin de l’I.S. — et au-delà. Ainsi que la chevalerie errante qui est aussi bien chevalerie amoureuse (Pierre Dujols identifie d’ailleurs les deux puisqu’il fait dériver errante du grec eramai qui signifie aimer). En dehors du cycle arthurien proprement dit, il y a dans In girum d’autres références à l’imagerie chevaleresque, notamment la bande dessinée d’Harold Foster : Prince Vaillant qui joue un rôle de premier plan dans la dramaturgie debordienne. Il faut également, dans le même ordre d’idée, relever la citation du Roland Furieux de l’Arioste : « […] je pourrai seulement dire à mon tour, “les dames, les cavaliers, les armes, les amours, les conversations et les audacieuses entreprises” d’une époque singulière. ». Une autre citation en rapport avec la chevalerie amoureuse est donnée un peu avant celle de l’Arioste : « On peut dire de la révolution aussi ce que Jomini a dit de la guerre ; qu’elle “n’est point une science positive et dogmatique, mais un art soumis à quelques principes généraux, et plus que cela encore, ”. » On notera au passage le thème de la passion : « un drame passionné », qui, chez Debord est une constante et doit s’entendre évidemment dans tous les sens du terme.


(À suivre)

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