jeudi 16 février 2012

Sollers / Debord : Histoire d’une idylle contrariée / 3

2. « Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. »

Il est symptomatique de voir que Sollers ne s'intéresse véritablement qu'à la personne même de Debord. « Laissons de côté l'internationale situationniste », n'est-ce pas ? Parce que l'I.S. c'est évidemment Debord, pas vrai ? On assiste là aux prémisses de l'opération de réduction de « l'aventure situationniste » à la seule grande figure de Debord, qui a été menée à sa conclusion logique par les « héritiers » : l’apothéose de Debord. Sollers toujours à l'avant-garde du retard fait, là encore, œuvre de pionnier. Ce qu'il y a de bien avec Sollers, c'est qu'l n'a pas peur du ridicule. On ne relèvera pas ici les absurdités, les approximations et les contre-vérités qui se trouvent dans son article (de Paris) ; mais il faut revenir sur la « méthode-Sollers » que l'on pourrait résumer par l'expression : m'as tu vu ? C'est un « truc » que l'on peut recommander à tous les littérateurs de seconde zone ; c'est facile et ça peut rapporter gras. Cela consiste à se mettre à côté d'un grand personnage de l'histoire (littéraire ou autre) et de dire combien il est formidable quoi que mécompris et sous-estimé par tout le monde ou presque sauf vous. L'opération doit être répétée aussi souvent que nécessaire jusqu'à ce que le public finisse par se demander : mais qui est donc ce type à côté de X (Sollers en l'occurrence) sur la photo ? Concernant l'approche sollersienne de Debord, il est à remarquer l'habileté du dragueur qui suggère, mine de rien, sa familiarité avec le sujet : « Préfère le bourgogne au bordeaux, choix discutable. » Debord qui avait pourtant écrit lucidement, à une autre époque de sa vie il est vrai, que lorsque l'on se voyait approuvé par un ennemi, il fallait se demander quelle erreur on avait bien pu commettre, avait apparemment oublié cette excellente maxime qui pourtant s'applique parfaitement au cas que nous traitons. Il aurait compris autrement que si Sollers a pu se reconnaître dans ce Debord-là, c'est parce celui-ci en était arrivé là. Ce qui a été confirmé par la suite.

(À suivre)

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