samedi 21 avril 2012

Debotd et l’alchimie – Addendum

Debord a-t-il construit son film testamentaire : In girum imus nocte et consumir igni, comme un opus alchemicum ? Nous avons essayé de montrer qu’il y avait des raisons de le penser, même si celui-ci n’avait pas une connaissance approfondie de l’alchimie opératoire. Mais, il pouvait parfaitement avoir une bonne connaissance de la symbolique alchimique. Le palindrome titre est en soit significatif puisqu’il place d’emblé le film sous le signe de Ouroboros. Debord a prétendu ne pas se souvenir de la provenance du plalindrome. Admettons. On s’est donc interrogé et on a cherché, sans beaucoup de résultat. L’une des hypothèses les plus plausibles est celle qui attribue le palindrome à Sidoine Apollinaire (430-480), érudit gallo-romain issu d’une illustre famille arverne des Gaules, célèbre pour son éloquence et ses panégyriques. Voila ce que dit du fameux palindrome Pierre-Emmanuel Finzi dans sa thèse sur In girum sous-titrée : Guy Debord et le deuil de l’engagement* : « […] Sa formulation d’origine est : In girum imus nocte ecce et consumimur igni (Nous voici, nous qui tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu”). Debord choisit de supprimer la forme vocative portée par l’adverbe ecce. Mais ce faisant, c’est l’adresse qu’il écarte ; la forme vocative étant la caractéristique d’une phrase interpellant une personne. […] » Le passage cité est tiré d’un chapitre qui s’intitule : L’ésotérisme bon teint ; mais qui, en fait, n’a rien à voir avec ce qu’on nomme proprement ésotérisme ; l’auteur veut simplement dire qu’In girum est un film abscons.

Toujours en rapport avec l’alchimie, voici deux passages du Singe appliqué de Jean-Louis Brau. On sait que Brau est l’un des fondateurs de l’internationale lettriste avec Debord et Wolman ; et qu’il a donc bien connu et fréquenté Guy-Ernest à la belle époque du Quartier.

Voici le premier. C’est le médecin d’un bordel militaire indochinois qui parle : « Tu vois, dit Doc, le calomel, pour nous, c’est un chlorure mercureux, tu veux une bière, je prends une bière, Doc une autre, c’est facile la science, le calomel, c’est le chemin de la pierre philosophale, la voie royale, […] le calomel, ce qu’on a trouvé de mieux pour la syphilo, c’est, pour les alchimistes, la sixième sublimation, le sublimé doux, après, c’est le sublimé corrosif, nous l’appelons un chlorure mercurique, la liqueur de Van Swieten, et c’est bon aussi pour la syphilo avancée, […] où j’en étais, oui, au sublimé corrosif, et si tu continue, à la neuvième sublimation, tu as la panacée mercurielle, c’est la porte ouverte de la Gay science, l’Ars magna, que permet de franchir le mercure des philosophes avec lequel, disait Nicolas Flamel, la transmutation est un jeu d’enfant, une chose si simple qu’un femme peut y arriver sans lâcher sa quenouille, au suivant ! »

Le deuxième : « Comme me paraissent loin ces jours, pourtant à peine un lustre, deux ans de moins que le temps qu’il faut, dit-on, pour que se renouvellent toutes les cellules de l’homme, où je bricolais pour un éditeur dont l’envie était de vendre autant de guides du mystère qu’il se vend de guides touristiques ou gastronomiques, et pour lequel, grâce à mes qualités de latiniste, je traduisais des passages de vieux traités d’alchimie sortis des réserves de la Bibliothèque nationale. Mais aujourd’hui comme chaque fois que je fais l’amour, s’impose à mon souvenir une gravure du grimoire de Michael Maier, Atalanta fugiens, représentant un homme offrant un breuvage mystérieux à un couple d’amants enlacés, avec cette légende conjuge fratrem cum sorore et propina illis poculum amoris, uni le frère à la sœur et offre-leur la coupe d’amour. »

 
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