mardi 4 décembre 2012

Guy Debord et l’Internationale situationniste – Sociologie d’une avant-garde « totale » / Commentaire 12



On comprend qu’avec tous ces étudiants dans l’I.S. Debord ait pu ressentir un sentiment d’étrangeté ; et qu’il ait saisi sans hésiter l’occasion qu’on lui présentait (A. Bertrand) d’intervenir de manière scandaleuse dans ce nouveau milieu qui lui était totalement étranger et qu’il ne pouvait que mépriser — cette histoire est suffisamment connue.

À quoi s’occupaient donc ces nouveaux situationnistes qui « ne semblent pas véritablement pris”, “animés” “corps et âmes” par les luttes de rivalité entre avant-gardes artistiques ou dans la définition interne tout aussi concurrentielle du sens artistique d’une avant-garde ». Eric brun nous l’apprend : « Les étudiants strasbourgeois Théo Frey, Jean Garnault et Mustapha Khayati publient respectivement dans le numéro 10 [d’I.S.] (mars 1966) “Perspectives pour une génération” (texte de Frey, qui s’en prend à l’anthropologie “structurale et opératoire”, à “l’économie politique”, etc.), “Les structures élémentaires de la réification” (texte de Garnault qui attaque l’économie politique et la cybernétique, ainsi que l’“idéologie structuraliste[…], etc.) et, enfin, “Les mots captifs” (texte de Khayati, présenté comme préface à un “dictionnaire situationniste” […]). Ces écrits laissent apparaître que leurs auteurs sont tout à fait portés à prendre la sentence définitive de l’I.S. sur la question de “l’art” : après le dadaïsme et le surréalisme, l’I.S. est la dernière avant-garde artistique en cela même qu’elle n’est plus composée d’artistes, mais de révolutionnaires cherchant à libérer la vie quotidienne […]. »

Il faut quand même préciser que cette « dernière avant-garde artistique » sans artistes a été voulue et façonnée par Debord ; et que ces « révolutionnaires » de la vie quotidienne qu’il va mener au combat sont des étudiants sans expérience du « terrain » — qui se comporterons peut-être comme des « anti-étudiants » près à en découdre mais qui ne connaissent que milieu universitaire — d’ailleurs la notoriété croissante de l’I.S. aux environs de 68 et après continuera à attirer principalement des étudiants (en rupture temporaire ou durable, c’est selon) qui ne savent pas grand-chose de la « période héroïque » de l’I.S. et rien des soubassements sur lesquels elle continue de reposer et dont elle tire encore son énergie et une partie de son pouvoir de séduction.

(À suivre)

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