mardi 12 novembre 2013

Lectures – Traité des Contrats



Je laisse à la réflexion du lecteur cet extrait de la Présentation du Traité des Contrats de Pierre de Jean Olivi* que je commenterai ultérieurement en le mettant en rapport avec les Révisions pour les feignants de Voyer que l’on peut lire dans son knock-blot sur le site où Mr Ripley, paraît-il, s’amuse.


Pendant longtemps, il a semblé évident que le terme [d’« économie »] désignait un secteur d’activités (production, échanges, consommation, crédit et finances) qui pouvait être décrit comme formant un système autonome. Cependant, depuis les travaux de Gary Becker**, il est devenu commun d’appliquer une approche économique du comportement humain à d’autres pratique sociales, afin de les décrire comme des décisions d’allocation de ressources rares. Quelle que soit la définition adoptée, l’élément qui caractérise le plus sûrement l’analyse économique tient à la forme d’abstraction à laquelle elle procède. Elle schématise et modélise des situations, des actions et des relations selon certains critères, mais sans jamais en épuiser la description, puisque les mêmes faits peuvent être aussi bien justiciables d’une approche sociologique ou psychologique. Le propre de l’économie tiendrait donc, pour finir, à l’usage qu’elle fait d’un certain nombre de concepts (tels que la rareté, l’utilité, etc.) en fonction desquels se construit cette abstraction économique. / Or ces derniers n’ont rien d’universel. […] / Si l’on emploie le mot dans son sens classique d’un secteur d’activités, on peut admettre que des pratiques qui relèveraient à nos yeux de cette catégorie peuvent être observées dans d’autres univers que le seul monde contemporain. Elles peuvent évidemment faire l’objet d’une enquête historique. Et puisque les sciences sociales utilisent couramment des notions analytiques inconnues des sociétés qu’elles étudient – à commencer par le concept de « société » lui-même –, il n’est pas illégitime d’employer, par commodité, le qualificatif d’économie à leur propos. Les réserves que l’on peut mettre à cet usage découlent simplement de la première règle du comparatisme qui veut que le terme de référence de la comparaison ne soit pas celui de l’observateur mais celui de la civilisation étudiée. Un concept typiquement moderne peut être employé en un sens général, à condition d’être vidé de ses connotations les plus contemporaines. Pour ce qui est de l’économie, une telle opération réclame de remplacer les hypothèses implicites de la théorie économique par une description fine de l’environnement institutionnel, technique et culturel dans lequel se réroule ces activités. C’est à ce prix que l’on peut envisager de décrire une économie d’Ancien Régime ou de l’Occident médiéval, voire de sociétés plus lointaines. […] / Dans cette optique, une histoire de la pensée économique avant la fondation de la discipline a pour premier objectif de saisir les conditions de sa genèse.


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* Pierre de Jean Olivi, Traité des Contrats, Les Belles Lettres.

** Gary Becker, The Economic Approach to Human Behaviour, Chicago, 1976.

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