mercredi 18 décembre 2013

Histoire belge



Entrée de Gérard

À supposer aux esprits une constance pareille aux battements du cœur ou de la marche monotone, l’entrée de Gérard dans ce cercle d’homme n’alla pas sans dérèglements intérieurs dont il fut long à amortir les soubresauts. L’homme de la plaine qui s’en allait vers l’est et qui connut la montagne hérissée de mirages, puis d’autres mers, — qu’il lui semblait difficile de ne les calculer qu’en fonction des plans et des couleurs nouvelles qu’elles lui présentaient, étendues verdoyantes ou nacrées, densités blanches des nuages qui bougeaient à la surface de prairies inondées, approches délicates des choses auxquelles il convient que rien ne ressemble, que rien ne brise, que rien ne retient, pareilles aussi aux gestes parfaits du sommeil. / Pour Gérard, qu’une singulière solitude avait peu à peu mené aux plus perverses, au plus équivoques manœuvres et qui tenait les hommes non pour les points sensibles du mystère mais pour des figurants faiblement agités au milieu d’un décor familier, l’on peut dire qu’une inverse démarche l’amenait à tenir pour semblables aux siennes les démarches de ceux qu’une circonstance poussait à nouer avec lui des rapports moins évasifs. Maintenant, il se plait à fixer, à la manière des épreuves photographiques, deux instantanés qu’il oppose voluptueusement dans sa mémoire et qui figurent l’entrée de Gérard parmi les hommes puis on silence parmi les hommes délibérément maintenus à l’écart. / C’est ainsi qu’il en est venu à introduire dans la complexité croissante de la partie qu’il mène, certaines naïvetés calculées et quelques feintes volontaires.

Paul Nougé

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