dimanche 19 janvier 2014

Debord et Nougé / 1



On peut dire de Debord qu’il est arrivé à la notoriété de Breton en détournant la méthode de Nougé — qui reste quant à lui toujours largement méconnu. On a pu définir Paul Nougé comme « comme un penseur ignoré, un poète méconnu et qui a tout fait pour l’être, un militant communiste sans carte du parti, manipulateur tirant les ficelles dans l’ombre pour une grand dessein qui n’a sans doute pas donné les résultats escomptés ».* On ne peut certes pas dire de Debord qu’il est « un penseur ignoré » et qu’il « a tout fait pour l’être » ; mais qu’il ait été un « manipulateur tirant les ficelles dans l’ombre pour une grand dessein qui n’a sans doute pas donné les résultats escomptés » est assez pertinent en ce qui le concerne.

On sait que Debord a connu Nougé à une période clé de son parcours, à savoir celle de l’internationale lettriste ; et qu’il a certainement été marqué par la personnalité de Nougé. Jérôme Duwa écrit à ce propos : « Debord a 23 ans en 1954 et aussi rétif  soit-il alors et rétrospectivement à toute forme de respect […] il ne pouvait pas ne pas reconnaître en Nougé ce type d’individualité seigneuriale faisant d’emblée fortement contraste avec les “ambitions limitées” (Potlatch, n° 2, 29 juin 1954) et les gesticulations prophétiques d’un Jean-Isidore Isou. »** Le fait que Debord ne fasse pratiquement plus référence à Nougé par la suite*** peut être analysé a contrario plutôt comme une marque de son intérêt pour la personnalité singulière de celui-ci dont il adaptera la méthode pour son propre compte — ce qu’il lui fallait occulter — que comme le signe d’un désintérêt de sa part.

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* Geneviève Michel, Paul Nougé, La réécriture comme esthétique de l’écriture, Thèse de Doctorat, que l’on peut lire à l’adresse suivante :


** Surréalistes et situationnistes, Vies parallèles, Édition Dilecta.

*** Geneviève Michel, op. cit. : « [D]ans tous les numéros de l’Internationale situationniste, Nougé n’est cité qu’une seule fois, pour signaler que son idée de de poème-jeu de cartes, Le Jeu des mots et du hasard, a été plagié par Marc Saporta. »

(À suivre)

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