vendredi 3 janvier 2014

Surréalisme et situationnistes au rendez-vous des avant-gardes – Commentaire / 8



L’Encyclopédie des Nuisances dont les membres furent suffisamment proche de Debord pour qu’il accepte de participer à leur publication ont dû eux aussi en arriver à une nécessaire remise en question de l’apport situationniste ; et donc à une critique. Cela n’a pas été sans peine — et seulement avec l’ultime numéro de la revue. Encore celle-ci prend-elle prétexte de la recension de deux livres particulièrement favorables à l’I.S. puisqu’il s’agit de l’Histoire de l’Internationale situationniste de Jean-François Martos, directement inspirée par Debord lui-même, et du livre de Dumontier sur 68 à la gloire des situationnistes — que Debord appréciait particulièrement ; on comprend pourquoi.

Mais cette critique, assurément nécessaire, n’est pas encore suffisamment assurée d’elle-même qu’elle n’éprouve le besoin de ménager Debord même quand elle lui porte des coups (mérités). Ainsi après un constat assez lucide sur l’attitude du dernier Debord revisitant son passé révolutionnaire : « Dans les thèses de La Véritable scission, l’unité des passions individuelles et des intérêts universels étaient encore formellement maintenue (alors qu’il s’agissait en fait d’une réponse individuelle au non-dépassement collectif) au moyen de l’hypothèse théorique ad hoc, selon laquelle la liquidation de l’I.S. était exactement accordée aux besoins du mouvement social plus vaste qui rendait désormais son existence inutile. (Maintenant l’auteur de Panégyrique parle plutôt des “répugnantes années soixante-dix”.) Ce n’est qu’ensuite, en sauvant cette unité défaite dans le souvenir, que Debord allait paradoxalement devenir, avec son film autobiographique In girum imus nocte et consumimur igni, le dernier artiste d’une époque sans art. […] C’est donc le moment de l’expression la plus fièrement subjective, par laquelle le jeu avec le temps, qui s’était identifié avec le possible révolutionnaire d’une époque, doit être ramené au jeu d’une aventure individuelle qui referme la boucle du temps en retrouvant son sens final dans son origine. » ; et l’affirmation que le « désengagement de toute perspective pratique marque plus encore les Commentaires sur la société du spectacle » ; peut-on lire qu’« il serait cependant aussi mesquin de blâmer Debord de sa manière de faire, étant donné la qualité des résultats théoriques obtenus, qu’inadmissible de ne pas vouloir reconnaître les besoins révolutionnaires que cette manière de faire, superbement, néglige. »

Mais n’est-ce pas précisément « la qualité des résultats théoriques obtenus » qu’il faut interroger maintenant que les jeux sont faits et que l’on peut voir qui a raflé la mise ? Un certain nombre d’ouvrages —— aux nombres desquels il faut compter celui de Janover — permettent d’aller dans ce sens ; et de jeter ainsi un regard désabusé sur « l’aventure situationniste » désormais identifiée à la seule figure de Debord.

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